samedi 4 février 2017

Animale de Victor Dixen

Ce roman est une réécriture de conte par l’auteur de la saga Phobos que j’ai tant aimé en janvier. Il existe un deuxième tome que je n’ai pas encore lu mais je trouve que le livre se suffit à lui-même.


Blonde a 17 ans, elle a vécu pratiquement toute sa vie au couvent. Elle est jolie, pure, indolente et possède de magnifiques boucles blondes qui lui ont données son nom.

Depuis très jeune, les sœurs la tiennent à l’ombre, sous des plaids avec des lunettes teintées car elles estiment qu’elle a une santé fragile. Un jour un notaire vient la voir à la fenêtre de sa cellule pour lui remettre une chemise contenant d’étranges documents qu’il estime reliés à sa vie. Il s’agit, notamment, de la déposition de police d’une jeune fille s’étant perdue dans les bois une vingtaine d’année auparavant et recueillie par deux hommes très particuliers.
Blonde rejette d’abord ces documents puis s’en passionne jusqu’au jour où sa vie commence à changer et qu’elle s’enfuie à la recherche de ses origines.

J’ai aimé ce roman tout d’abord pour la plume de l’auteur que j’adore. Nous sommes loin de l’espace et de la dystopie mais je trouve l’écriture toujours aussi riche et puissante. Loin de la mise en scène contemporaine de la télé réalité, l’écrivain nous projette au cœur du début du XIXème siècle : le vocabulaire et le style s’adapte à l’époque du récit et permet une imprégnation complète à l’atmosphère.

Les personnages sont charismatiques et l’auteur ne livre que le minimum d’informations nécessaires pour s’attacher à eux ou bien au contraire pour ressentir une profonde aversion à leur sujet. Blonde a beau se laisser balloter au début du roman, elle est une jeune femme qui se révèle forte au court du récit aussi bien à ses propres yeux qu’à ceux des autres. J’ai aimé qu’elle soit replacée dans le contexte des années 1830 où il était mal vu pour une femme de vouloir être indépendante et faire ses propres choix. Malgré ces conditions, elle cherche pourtant sa liberté ainsi qu’à savoir qui elle est et d’où elle vient.

Loin de la naïveté du conte d’origine, ce récit est puissant, torturé et met en exergue la violence qui peut habiter chacun de nous. En plus de la malédiction qui frappe certains protagonistes de l’histoire, chaque personne du récit a un caractère qui s’exprime de manière différente. Comme dans la vie courante, certains seront calmes, d’autre placides, certains encore des sanguins qui s’énervent pour un rien et se calment tout aussi vite tandis que d’autres vont ruminer indéfiniment. Quelle que soit notre nature, nous pouvons avoir des personnes qui nous aiment pour qui nous sommes et qui s’adapterons à notre caractère tout comme nous nous adapterons aux leurs. Ce livre m’a rappelé aussi que malgré la nature de base de notre caractère, nous pouvons changer, nous pouvons modifier nos façons d’être mais que le faire pour les autres n’est pas sain. Il faut le faire pour nous sinon nous ne tiendrons pas, de plus les personnes qui souhaitent un changement ne nous aiment peut être pas inconditionnellement ; ceux ou celles qui voudront nous aimer toute notre vie le feront quel que soit nos convictions ou bien notre physique : brun-e-s, blond-e-s, imberbes, poilu-e-s, calmes, excité-e-s. J’ai le sentiment que ce livre nous rappelle que nous ne sommes pas un corps et un esprit cohabitant l’un avec l’autre mais un tout à prendre ensemble sans dissociation.

En lien avec ceci, j’ai encore lu dans ce livre de Victor Dixen beaucoup de tolérance vis-à-vis de l’autre, de son corps, de sa vie, de ses choix (ou de son absence de choix) mise en opposition avec des mentalités beaucoup plus fermées. Il faut, selon moi, faire le parallèle avec notre société actuelle puisque nous tendons à vouloir des esprits ouverts quant aux mœurs et les choix de vie de chacun mais parfois nous nous heurtons violemment aux convictions de certains qui diffèrent radicalement. Je pense ici à toutes ces problématiques autour de l’homosexualité et de la manif pour tous. Ces questionnements ne sont pas ceux du livre, mais je n’ai pas pu m’empêcher de faire ce lien durant ma lecture.


Ce livre est pour moi un petit bijou qui se révèle bien plus sombre et noir qu’il ne le laisse présager. De manière générale, j’aime énormément les réécritures de contes pour dépasser justement le côté parfois enfantin des œuvres actuelles (je ne parle pas ici de Perrault qui est loin d’être édulcoré dans ses versions originales). L’univers est prenant, il a du mal à se laisser poser et il continue à tourner même lorsque le livre est fermé.

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